FEUILLES MORTES


Novembre, nous plaignant, éternue,
et les fenêtres tremblent timorés. 
Novembre fait pleurer les marbres 
et danser les arbres,
arrachant les feuilles des calendriers. 
Une bruine têtue
arrose de nos corps et nous débarrasse
des croûtes de l’argile plus ancienne.
Et nous nous dégageons de plus en plus
sous le vent qui partout nous traîne,
jusqu’à ce que nous gisons amoncelés 
en couches de générations de feuilles tombées.
Mais nous nous refondons aux cendres notre haleine
et nos membres frêles se lèvent des ténèbres, qui l’aurait dit?,
nous envolant vers la lointaine 
comble du midi.
Novembre condense les brouillards en glace,
rendant l'air irrespirable,
dans l'attente acharné d'un soleil
qui tardera à croiser le seuil.
Ces vers sont les témoins,
indécis, rechignants,
de ce qu'on pourrait appeler chagrin
mais qui est l'empreinte seulement
de l'accablante volonté de l'impuissance.
Pour cela il se révèlent bruit à l'ouï,
insensés à l'esprit.
Et plus on souhaite qu'ils se taisent,
plus ils se mettent à crier et grimpent les falaises
de nos gorges muettes, 
beaucoup plus aigus
que nous les avions conçus. 
Novembre repose sur les lauriers de l'oubli.
Tant de songes et mensonges
n'ont laissé trace sur quiconque.
Tous dorment en soldats pétris,
usés des batailles périmées, toujours ajournées.
Il est des milliers d'intifadas 
auxquelles on ne croit vraiment pas.
Et, à tout lever,
le matin nous accueille en tenue de routine,
qu'il faut tremper de sueur pour l'échanger en suite
pour des balles, qui avilissent, mais qui nous accordent
une existence permise en régime d'urgence;
de la liberté, qui est pure possibilité, en vente
selon les taux de l'offerte et demande;
et de la dignité, qui, malgré le beaux propos des écoles,
ce n'est que d'avoir où aller et comment nous le payer.
Novembre tord ses grimaces,
mais ces mêmes rafales qui lui parsèment les cheveux
et plie les essieux 
des gratte-ciel les plus inébranlables,
novembre a secoué chez ma légèreté
des aciers indéfrichables:
quelque part je couve un diamant,
chez moi je vais faire la trouvaille
d'une forteresse imprenable, 
gardée du courage
d'un coeur qui s'impatiente et s'éclate
comme une bombe, mais qui ne tue personne, sinon
me rend du coup plus vivant au dedans.
La girouette montre que novembre vente trop fort, 
mais chaque jour nous nous réinventons
plus fous encore.

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