LIGNES CROISEES


Tu avais été mon homme.

Moi, j'avais été ta femme.

Je t'ai donnée quelque somme.

Toi, un don pur d'où s'enflamme


Un boucher à deux éclos.

Puis le feu et feu les cendres,

On put voir nos renouveaux

Enfin à zero ascendre.


Tu avais cédé ton nom,

Moi, je n'ai offert que faim.

Ton pleure m'apprit le son,

Moi, j'ai repoussé ta main


Pour te donner aux chemins

Où seuls deux êtres seuls peuvent

Étancher le cours du rien,

Disant aux corps qu'ils se meuvent.


Un jour j'ai été ton mec,

Et toi, t'étais ma nana.

T'as fait mien ton ventre sec,

Là, j'ai poussé mon mana,


Qui nous a nourri un temps

Si court qu'il nous ressembla

L'éternité. Et, pourtant,

Tôt on décédait déjà.


J'avais été ton barbeau,

Lorsque tu étais putaine.

Les rigolos ont leur argot,

Toi, la langue grecque ancienne.


Un seul langage, on dira,

Jamais fut le véhicule

Pour qu'on entendent nos voix:

Si tu comprends ces vers, nul


Croira. Je t'écoute pas,

T'addresse pas et m'enculle

Si ces mots te touchent. Moi,

J'm' avoue seule au ridicule.