RENONCEMENT



savoir perdre

c'est peut-être

savoir regagner

le pleure ou le sourire

du souvenir d'un matin

réel ou imaginaire

qu'on redoutait écouter


ou, au contraire,

ça sera enfin mériter

le silence d'une affaire

que j'essais et en dépit

de mon effort sincère

je ne réussis plus

à vous raconter


perdre, qui sait,

ce n'est que permettre

à l'avenir de nous faire

le cadeau du chemin

imprévu

où il veut, malgré nous,

nous amener


je ne sais pas renoncer, je ne veux pas savoir renoncer

là je suis immune à toute dose de fanatisme

et tout ce qui me peut consoler c'est admettre

que savoir perdre c'est en effet renoncer

mais seul pour pouvoir en outre

et coûte que coûte

tout de même gagner



PRESENTATION DU ROI DES GUEUX


Roi cest comme m'appelle les gens,

quoique dun roi je ne porte

ni le nu ni le robe.

On pourrait me nommer tout de même

fontaine ou alors mendiant

sans que rien ne saltère sur la terre.


Les paroles nimitent ni se collent

aux trucs quelles ne dénotent

que par force dune chance folle.

Et pourtant, sil était à moi de décider

à mon entière discrétion, au sujet

de la pertinence des choses aux noms,


jordonnerais, par exemple, à la pluie

d’être appelée tout à lheure bonheur,

car ainsi parée dun si beau surnom,

qui sait si dici en avant

elle ne passe pas à tomber

dun air moins bouleversé.


Ou sinon,

si on rappelle la tristesse sourire,

je suis sûr que tout dun coup

ses yeux sombres éclateront

à la vue de nos visages grognons

d´une risée enjouée de joue à joue.


Être pris par le roi des cons ou des bouffons,

ce nest pas quand même une piètre bagatelle.

Ça ne me flatte pas de toute façon,

puisque franchement je men fiche

si entre tous je défile

en prince ou vagabond.


Mais si les gens mappelaint fontaine,

ils ne seraint pas complètement trompés,

car installé au milieu dune place publique,

en jaillissant mes discours insensés,

je suis en fait une fontaine, mais dun type

qui gicle des mots au lieu des eaux.


Et si être un mendiant nest pas lentier,

cest au moins une partie de qui je suis,

vu que je nai pas de toit à me donner abri,

et que la somme des murs qui mentourent

est exactement égale aux creuses orées

des sentiers que je parcours.


Mendiant ou roi sont des noms communs.

Ils désignent des ensembles et non des individus.

Cest enfin, peut-être, comme je préfère mimaginer:

non spécifique, pluriel. Dans un âge

si comblé de choses, des noms propres et les grosses progénitures

ne sont plus praticables.


Nous sommes comme ces tramways bondés,

nous sommes au monde comme les gouttelettes

dun océan à telle point amoncelées,

que personne n'écoute

ni les cantilènes des sirènes

ni les cris des naufragés.


Un mendiant est donc

quelquun comme tous les autres,

sauf quil ne sest pas laissé devenir une autre chose

dans un monde plein des choses,

des choses qui étaint des étants suffisants, comme nous dantan,

mais desquelles nous nous sommes convertis en des outils.


Et le chemin que je marche

est mon voyageur camerade.

À sa ressamblance, jai le même goût

de terre et la même senteur de boue,

et tel le sien mon destin

se situe dans un carrefour.


Ce petit-là qui me suit, cest Diogènes, mon chien.

Je lai ainsi baptisé par moquerie, bien sûr,

mais aussi parce quil est un chien par nature,

et non seulement comme terme dinjure

ou façon de parler, de sorte que le nom lui appartient

du droit inné de quelquun qui mène sa vie en se promenant.


À part lui, un seuil et un sac à dos

composent tout ce quil y a de mien dans ce monde.

Mais la branche que je ramasse auprès dun tronc

et que je tiens à la main en guise de bâton

majoute de tous les oiseaux

qui senvolent des rameaux.



LES JOUISSANCES DU TEXTE


les plus grossiers mots et leurs vices

maccrochent encore

ils infligent de creuses délices

ils sont des désirs sans les corps


ces petites bêtes ont un appel irrésistible

plus graves qu'un bâillon et une chaîne

n'importe où l'on me traîne

leurs cris me poussent et puis m'enfouissent


et si assouvi je défaille de joie

seul me réveille le vient-et-va

des vers affaimés qui membrasent

autour de mes bras, ô bruit embrassable!


avalez-moi, mâchez-moi le plus vite

dégueulez-moi jusqu'au point de ramassage

renversez-la, faites ma bouche baiser l'abîme

distordez-la jusqu'au point de décollage


puis je tais

un silence épais

me gèle m’étouffe

c'est dieu qui souffle